Oublis, personnages clés manquants, réécriture ou réduction historique servant un parallèle politique avec le présent… A peine Les Sept de Chicago d’Aaron Sorkin, restituant le procès, en 1969, de représentants de la contestation de la gauche américain, jugés pour incitation aux émeutes, en marge de la convention démocrate de Chicago, était-il diffusé sur Netflix, que les critiques pleuvaient déjà, rappelant un peu celles qui s’étaient abattues (l’accusation en légitimité en moins…) il y a trois ans, sur l’immense Detroit de Kathryn Bigelow.
Pourtant, si le film de Sorkin joue avec le feu, en insérant des images d’archives à une fiction « adaptée de faits réels », sans avoir la puissance du film de Bigelow, on aurait tort de faire la fine bouche devant Les Sept de Chicago, œuvre assez enthousiasmante d’un scénariste majeur, multi-fêté et presque inattaquable, dont le premier film en tant que réalisateur, Le Grand Jeu avec Jessica Chastain, n’avait pourtant que moyennement convaincu.
Ici, Sorkin se pose en héritier convaincant du classicisme hollywoodien, maîtrisant l’espace, le temps et leurs enchevêtrements de manière fluide, parvenant même, par son sens du suspense dans un procès pipé (rappelant celui de Section spéciale, peut-être le meilleur film de Costa-Gavras) et une histoire qu’on sait pourtant jouée d’avance, du rythme et de la punchline chic, par sa proportion à savamment doser humour et émotion, à dynamiter les codes d’un genre pourtant usé jusqu’à la corde, celui du film de procès, alliant le meilleur (L’Idéaliste de Coppola) au plus théâtral et poussiéreux (qu’on pense à ces datés Hommes d’honneur, écrit Sorkin, mais réalisé par Reiner et phagocyté par son casting de stars). Ici, la joute verbale atteint des sommets, avec ses dialogues au cordeau servis par un casting racé (Eddie Redmayne, puissant, Frank Langella, immense en suppôt de Satan de l’administration d’un président qu’il avait déjà brillamment incarné dans Frost/Nixon, Joseph Gordon-Levitt réinventé, Mark Rylance, Ben Shenkman, Michael Keaton, imposant, Sacha Baron Cohen…), où chaque mot a son importance, nous rappelant, à dessein, combien la langue, quand elle est précise et utilisée à bon escient, si loin de celle des pauvres passes d’armes subies par tous, lors de l’actuelle élection américaine, peut se révéler une arme puissante contre les puissance du faux. Si le conclusion à la Capra sonne pour le coup un brin too much et surannée, Les Sept de Chiacago, en ne naviguant jamais sur les eaux du didactisme et de la bien-pensance, vient, fort à propos, faire souffler une dose d’optimisme sur une démocratie malade, et nous rappeler que la révolte contre l’établissement pouvait non seulement venir de son aile gauche, mais aussi, intelligente, servir la démocratie, sans avoir à verser dans le populisme.
De Aaron Sorkin
Nationalités Américain, Britannique, Indien
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